Psychothérapie à Carpentras La thérapie psycho-dynamique par la parole, ce qui la qualifie de relationnelle, est adaptée à de nombreuses problématiques. Elle est fondée sur les grands principes théoriques de la psychanalyse, notamment sur le Lire plus ...
Psychanalyse : processus psychotraumatique, entre mémoire traumatique et mémoire saine.
D’après une conférence de Boris Cyrulnik donnée à l’université de Nantes le 19 septembre 2016 et des recherches issues des neurosciences et de la psychanalyse.
La mémoire saine est évolutive, c’est à dire que les souvenirs que nous nous rappelons ne sont ni figés ni de fidèles reproductions d’un évènement mais sont le résultat d’un processus complexe notamment composé d’opérations de transposition, de reconstruction en mouvement. Leurs représentations changent ainsi avec le temps et ne sont pas les mêmes selon un certain nombre de paramètres comme l’âge, les contextes, les perceptions, les expériences, etc, dans lesquels le sujet se développe.
Le fait traumatique est dû à une non préparation, une inassimilabilité quantitative du stimulus, une incompréhension de l’évènement puisque celui-ci se trouve être hors du système de représentation de sujet.
C’est une effraction psychique.
Il est responsable de modifications psycho-neuro-biologiques et déclenche entre autres des sentiments d’hébétude, d’effroi, de sidération, provoqués par la production de cortisol, hormone du stress impliquée dans les réactions instinctives de défense et de survie. Elle cause en cas de forte production une atrophie des lobes préfrontaux, du circuit limbique et une surexcitation de l’amygdale qui ne peut se calmer seule, ce qui revient à dire qu’il y a une difficulté, voire une impossibilité à maîtriser les informations, les émotions ressenties face à ce qui a été et/ou qui semble être une agression. Le cerveau interprète ce qui lui arrive selon des perceptions affectées par les expériences propres à l’individu.
De là, la mémoire se fixe et débouche sur ce que l’on nomme un syndrome psychotraumatique. Dans la mémoire saine, les inscriptions mnésiques successives donc évolutives représentent les réalités psychiques successives d’époques de la vie. Le passage de l’une à l’autre, le remaniement, dans le temps, se fait par retranscription. Les transcriptions successives inhibent les précédentes et favorise l’écoulement de l’excitation issue du stimulus. Elles acquièrent du sens dans le temps à travers leurs connexions dans une constellation associative poly-sensorielle.
Lorsqu’il manque une transcription, l’excitation est gérée de façon anachronique, selon une époque antérieure et fonction du frayage synaptique de ce temps-là. Dans l’expérience traumatique, la retranscription est bloquée, impossible. La sensation ou l’expérience perceptive reste investie et contraint la persistance de l’inscription.
La mémoire est piégée, prisonnière du passé, elle n’évolue plus. Elle se répète dans le présent et le sujet se trouve soumis au réel. C’est dire aussi qu’elle affecte, conditionne les futures perceptions.
Il est impossible de créer alors de nouvelles représentations de l’évènement. Car chaque tentative déclenche inévitablement les mêmes processus de défense et réactions psychobiologiques, l’organisme dans sa globalité croyant revivre l’évènement traumatique.
A partir de cette structuration, il y aura fixation sensorielle, particulièrement le regard, sur tous les signes qui évoquent un danger extérieur similaire.
De là se trouve enclenché un surdéveloppement de l’attention portée à des signes négatifs et un sous-développement sur ce qui entoure le signe, c’est-à-dire le contexte. Autrement dit, le contexte, le symbolique, ne peut être utilisé pour relativiser ou se représenter la chose différemment.
Chez le nourrisson, lorsque le trauma se situe avant l’acquisition de la langue, est ressentie une insécurité qui provoquera des réactions de préservation et qui laissera une inscription durable.
Le bébé d’avant le langage, « l’infans », remplit son monde par des représentations de perceptions sensorielles qui ne sont donc pas des représentations verbales. Il lui est donc impossible de gérer, de mettre à distance ses émotions, de relativiser. Il ne contient pas et a besoin d’être contenu, soutenu, étayé.
Parler au bébé, c’est donc tisser un lien, c’est sculpter son cerveau et le structurer. C’est lui permettre de se représenter le monde, de symboliser, de donner du sens.
La parole au-delà de la fonction informative a donc un effet affectif. Elle est un objet affectif signifiant.
Ne pas lui parler revient à l’isoler sensoriellement et ainsi affectivement ce qui entraîne alors des sentiments et réactions vus précédemment. Son Moi ne trouve plus l’étayage sécurisant de la figure d’attachement qu’il ressent par l’absence comme morte et qui lui donne l’impression en retour de lui-même se confronter à la mort.
Cette insécurité caractérisée par un isolement sensoriel entraînera une modification biologique.
Les enfants isolés, abandonnés, maltraités, perçoivent le monde à travers une faille relationnelle, une vulnérabilité émotionnelle, comme étant une menace potentielle. Ce sont des enfants ayant un déficit de sociabilisation qui peuvent ne pas avoir eu, ou peu, accès à l’altérité.
Tout est pour eux alerte émotionnelle à travers cette forte production de cortisol qui vise la préservation de l’organisme. Le système limbique est inondé par les effets du cortisol ce qui aboutit, comme pour les lobes préfrontaux, à une atrophie de la mémoire associée à l’émotion. L’espace et le temps sont alternés.
Fortement stressés sous l’effet du psychotraumatisme, leurs modes perceptifs et réactionnels sont totalement conditionnés: soit ils se sentent agressés, soit ils sont clivés, indifférents.
On retrouve dans certaines perversions cette indifférence émotionnelle quant à la douleur déclenchée chez l’autre. Pourrait-on y voir les conséquences d’une expérience psychotraumatique? Dans cette façon d’être au monde, dans cette structuration narcissique, le sujet est soumis à son propre plaisir, à sa seule jouissance, il ne se représente ni la réalité de, ni l’effet qu’il produit chez l’autre et n’a pas la possibilité de se mettre à sa place. L’empathie manque.
Contrairement à la mémoire saine, la mémoire traumatique est une représentation de soi qui se trouve déchirée, dissociée, clivée. L’imaginaire du sujet est corrompu.
Il y a d’abord l’évènement vécu comme une agression puis la représentation de l’évènement qui vient en après-coup. Le trauma, c’est donc la représentation de l’évènement, représentation qui peut perdurer et faire souffrir. Cette souffrance opérée par la représentation de l’évènement traumatique altère donc la mémoire saine.
La modification de la mémoire traumatique en mémoire saine peut se faire selon différents moyens dont les champs d’actions donnent lieu à un même résultat observable, une distance émotionnelle quant à l’évènement et la suppression d’effets traumatiques par l’apaisement de l’amygdale cérébrale et la reconnexion au préfrontal jusque là, disons refoulé.
On ne guérit pas de la souffrance, on en fait quelque chose. Elle est inhérente à la condition humaine, on peut la transformer, du moins ce que l’on transforme, ce n’est pas la souffrance, c’est la représentation de la souffrance.
Par la mise en sécurité affective, condition première, par la parole, l’écriture et les échanges, fonctions du préfrontal, disons que le sujet active son monde intime et que par conséquent, il n’est plus chose, plus noyé, soumis à ce réel mais il l’affronte.
En d’autres termes, la possibilité d’associer un évènement traumatique à des représentations verbales pour en faire un récit oral ou écrit, en légitimant la souffrance, en lui donnant du sens, permet à la mémoire de poursuivre sont travail évolutif. Elle retrouve alors un fonctionnement sain.
Sources:
Carole Azuar, neurologue, à l’Assemblée nationale, 18 janvier 2018. « Les neurosciences au secours des victimes de viol ».
Michaël Balint, Le défaut fondamental.
John Bowlby, Attachement et perte Vol 2 3, Le lien la psychanalyse et l’art d’être parent, Amour et rupture: les destins du lien affectif.
André Green, Narcissisme de vie, narcissisme de mort.
Germaine du Guex, La névrose d’abandon.
Charles Odier, L’angoisse et la pensée magique.
René Spitz, De la naissance à la parole.
et tant d’autres (Freud, Klein, Bion, Lacan, Salmona…)